(écrit au printemps 2018)
Un enfant agrandit la conscience
Avant d’être enceinte
J’avais déjà une certaine conscience de la vie qui provenait d’un long cheminement, d’une longue recherche, de mon intérêt pour le vivant, pour l’invisible aussi…
J’avais conscience du miracle de la vie depuis l’enfance. Le miracle de toute vie, humaine, animale, végétale…
J’ai toujours été désespérée de l’existence de la chaîne alimentaire. « Tuer pour vivre », telle est la règle sur Terre… Tuer des animaux pour manger de la viande, cela peut sembler cruel à bon nombre d’humains. Couper des plantes, c’est tuer aussi, mais cela nous touche moins…
Que penser des carnivores ? A part se dire « Pourquoi cette logique ? Pourquoi les écosystèmes se sont-ils constitués sur ces règles ? Pourquoi la vie, pour avancer, a-t-elle inexorablement besoin de la mort ? J’ai, petit à petit, accepté cette logique de la Nature et ses règles dures et nécessaires…
Par contre, je n’ai jamais pu accepter la façon dont l’homme s’est cru devenir le maître de cette Nature. Vous me direz que je suis pourtant scientifique. Je crois donc à l’homme, en ses connaissances, son pouvoir, sur la Nature justement. Ses connaissances permettant de pallier aux « faiblesses » de la Nature, ou plutôt de contrer les lois qui ne lui conviennent pas, qui heurte son ego démesuré.
Lorsque j’ai pris connaissance des atrocités de l’élevage intensif, des abattoirs, du cirque, de l’expérimentation animale, et de tout ce l’homme a mis en place pour asservir les animaux, même les plus proches de lui (mammifères, primates), la révolte m’a saisie au cœur. Je ne pouvais plus manger de viande, pendant un certain temps… Mais cela ne suffisait pas à stopper les atrocités… Je les ai dénoncées dans mes romans (« Aliséa » et « Loïs », notamment : élevage intensif, corrida, expérimentation animale). Ils auront une certaine portée. Mais les atrocités continuent… Je signe des pétitions, les partage sur FaceBook… Mais cela ne suffit toujours pas.
J’avais conscience que le Bien et le Mal sont mêlés sur Terre. Si l’on ne voit que le Mal, on lui fait beaucoup trop de place, on lui ouvre les bras, la tête et, pour finir, le cœur. Il nous dévore alors de l’intérieur. On se sent saisi par l’angoisse, la peur, le sentiment d’injustice… Et il s’en faut peu avant de tomber malade…et de le laisser gagner.
J’avais choisi de voir le Bien, car le Bien attire le Bien. Je l’ai expérimenté, petit à petit. Quand on est positif, on émet certaines fréquences, on pense avec des fréquences qui se mettent en résonance avec des fréquences identiques. Quand on est positif, à force de s’obliger à l’être au quotidien, on le devient. Tout comme, à force de sourire par politesse, on devient souriant au quotidien et heureux…
J’avais conscience aussi du risque écologique que l’humain inflige à notre planète. J’essayais de faire au mieux dans mon quotidien pour ne pas trop contribuer à ces désastres : trier les déchets, ne pas consommer d’électricité et d’eau plus que de raison… Je me disais qu’il fallait balayer devant sa porte avant de s’occuper de celle des voisins… Mais j’étais bien suis consciente que je roule en voiture, et n’achète pas que des produits locaux et éthiques (alimentation, vêtements…)
Une fois enceinte
Etrangement, le monde autour de moi ne m’intéressa et ne me toucha plus. Ne comptait plus que mon corps, les perceptions nouvelles qu’il m’envoyait et ce petit être qui grandissait en moi. Je dormais au lieu de faire des choses pourtant obligatoires, je prenais de longues douches (sans penser à économiser l’eau). Pire : j’eus terriblement envie de viande, de ragoûts carnés avec des pommes de terre ! Cela devint même une obsession ! Les images atroces d’abattoirs s’effacèrent soudain complètement de ma conscience. J’avais envie de viande, tout le temps… J’ai cédé. Mon corps en avait besoin. Comme des siestes qu’il me réclamait quotidiennement. Pas mon corps, mon bébé ! Je mangeais avec régal des côtes de boeuf et frites maison préparées amoureusement par Jean-luc. Boeuf bourguignon, poulet aux patates… J’adorais le goût. Pour moi, fan de chocolat, je comprenais mal ces envies de plats salés : viande et légumes.
La grossesse avançant, je prenais de longs bains pendant trente minutes minimum alors que je savais très bien que les bains consommaient plus d’eau que les douches. Le monde autour de moi m’était indifférent. J’étais fatiguée. Ma conscience s’était complètement rétrécie, comme si la grossesse m’avait fait mettre des oeillères. Je ne pensais qu’à Angelo et à la forteresse qui l’hébergeait. J’avoue avoir été très égoïste pendant ces neufs mois. Je mets cela sur le compte des hormones qui concentrent toute l’attention et l’énergie de la mère sur son bébé… J’acceptais…
Tout comme j’acceptais de déléguer, qu’on m’aide, qu’on me serve. Il y avait tant de choses que ne ne pouvais plus faire seule. La dépendance rend égoïste et plus du tout empathique et altruiste.
Après la naissance.
Alors là, mon monde se limita à une chambre en quasi tête-à-tête avec Angelo pendant presqu’un mois. 24H/24, j’étais à son service. Mon corps meurtri par la cicatrice oubliait presque qu’il existait. Seule la douleur me rappelait son existence. Je ne vivais plus que pour m’occuper de mon trésor. Mon quotidien s’organisait à son rythme, jour et nuit.
Le reste du monde n’existait plus… Quant à l’écologie, elle devint le cadet de mes soucis, je l’avoue… Le nombre de couches jetées chaque jour me révulsait, mais je manquais d’énergie pour y réfléchir avec conscience. J’étais fatiguée et luttais au quotidien pour être une maman à la hauteur. Il avait faim, il tétait. Il pleurait, il me réveillait, 6-7 fois par nuit souvent. J’essayais de dormir quand il s’endormait, mais dans un état de vigilance constant. Toutes mes forces étaient pour lui, avant d’être pour moi-même et évidemment il ne restait rien pour le reste du monde…
Une fois à la maison, je compris que je devais aussi m’occuper de moi. La cicatrice faisait encore mal. J’étais percluse de courbatures. Epuisée par les nuits blanches et l’allaitement, j’avais parfois des baisses de moral… On m’aida beaucoup à reprendre le dessus. Grâce au tire-lait, à ma sage-femme, à Clarisse, à ma mère, à Jean-luc, à Laëticia, je pus me recentrer un peu sur moi. Car pour être une bonne maman, je devais être épanouie et pas sans cesse épuisée et stressée. Je fis des siestes pendant que d’autres choyaient Angelo. Je refis du cheval et je pus, ainsi, me reconnecter aux animaux, mes autres enfants, à la Terre, à la Nature…
Après les nuits blanches
Les nuits blanches avaient engendré chez moi une telle fatigue que mon énergie se concentrait sur l’essentiel : 1 : Angelo, 2 : mon travail, 3 : les chevaux. Les reste ne pouvait pas encore rentrer dans mon champ de conscience, toujours rétréci pour la bonne cause.
Mais dès que j’ai pu dormir de nouveau au moins 5 heures par nuit, je sentis ma conscience s’élargir.
Déjà au niveau alimentaire, mes envies changèrent.
Pendant la grossesse, j’avais tant d’interdits et tant de soucis digestifs qu’il était compliqué de manger (nausées et pulsions du début, constipation et régurgitations acides à la fin…).
Au début de l’allaitement, je me découvris une faim de loup. Je le jetais sur tout ce que je n’avais pas pu manger pendant la grossesse (soit par interdit médical, soit parce que je ne parvenais pas à le digérer sans souffrance). Mousse au chocolat, chocolat sous toutes ses formes, Saint Nectaire et autres fromages au lait cru. Je pouvais dévorer, mais digérais très vite quand même. Je sentais l’hypoglycémie me guetter jour et nuit. Il me fallait énormément de « carburant ». Jamais mon corps n’avait consommé autant ! L’allaitement me pompait une bonne partie de mes nutriments. Les nuits blanches exigeaient, quant à elle, une énorme dose d’énergie pour éviter les baisses de tension.
Une fois moins fatiguée, j’eus moins de fringale sucrée. Puis, petit à petit, plus possible de manger de viande non plus. La vie des animaux et les conditions d’abattage me revinrent de nouveau de plein fouet au visage. Horrifiée, je ne pouvais plus du tout en manger. Ce n’étais pas un interdiction mentale, comme ça l’était avant la grossesse. C’était une interdiction viscérale. Aucune envie, du dégoût, de nouveau. Une compassion immense envers ces pauvres animaux, élevés pour être tués jeunes, après un semblant de vie… Une haine envers le système si bien rôdé, si difficile à démonter…
J’eus soudain une conscience exacerbée du devenir de la planète. Je sentais que c’était dû à Angelo : à mon interrogation sur le monde dans lequel je l’avais accueilli et dans lequel il devra probablement me survivre…
J’eus soudain une extra-lucidité sur le fait qu’on partageait tous cette planète, aujourd’hui, demain, dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans et même après ma propre mort…
Je souhaite tant que la conscience humaine devienne collective, que les humains prennent conscience de ce qui est vital et cessent de ne penser qu’à leurs intérêts économiques au détriment de la planète Terre, donc de leur propre survie !
Je souhaite qu’il existe des milieux préservés pour découvrir la beauté de la nature, des animaux sauvages, des plantes, des arbres. Que mon fils et mes descendants connaissent cela… Qu’on puisse dire qu’au 21ème siècle, l’homme est arrivé à un niveau technique et scientifique encore jamais atteint, certes. Mais, surtout, qu’il a enfin pris conscience de ses limites, du fait qu’il doit faire alliance avec la Nature, avec sa mère la Terre, au lieu de la traiter en ennemi à abattre. Tel est mon espoir…
Un enfant agrandit la vie
J’ai, dans la partie précédente, surtout parler de l’effet qu’a eu Angelo sur mon état de conscience. Je n’ai pas abordé les effets d’agrandissement sur la vie elle-même, c’est-à-dire sur le quotidien.
Avant d’être enceinte
J’arrivais, me semblait-il, à faire plein de trucs super bien. J’étais à fond, super organisée. Petit à petit je venais à bout de tous mes projets. Les gros cailloux, les moyens, les petits, tout rentrait finalement dans le bocal fini du temps qui passe et ne se rallonge jamais. Je courrais après le temps, mais j’avais quand même l’impression d’un semblant de maîtrise…
La grossesse
La fatigue dès les premières semaines, cette envie irrépressible de dormir, l’handicap physique ensuite… Impossible de suivre le rythme. L’entonnoir s’est resserré extrêmement vite, sans que je puisse lutter. Je suis vue contrainte de me concentrer sur l’essentiel. Les préparatifs de la naissance, les rendez-vous médicaux de suivi de grossesse, les dossiers sécu, CAF, sans oublier le plus important de tout : ce qui se passait dans mon ventre ! Mais aussi: le travail qui continuait. Manger correctement. Se faire du bien, me chouchouter, nous chouchouter, nous faire chouchouter… Tout le reste était reporté à plus tard…ou à jamais. Je procrastinais pour la première fois de ma vie…et sans culpabilité !
Après la naissance
Toute l’énergie et le temps furent happés par ce petit énergumène de 50 cm ! Incroyable. Le reste, le primordial, je le faisait en trainant les pieds, tellement épuisée et la tête si pleine de ce nouvel amour incommensurable. Le quotidien reprit ses marques, petit à petit, mais j’allais au plus indispensable. J’appris à enlever de ma vie bon nombre de choses que je faisais avant, et qui me semblait pourtant de la plus haute importance. Désormais, je ne les trouvais plus vraiment utile…
Dorénavant, des cailloux, je ne garde que les plus gros : Angelo, Jean-luc, mon travail, mes chevaux, l’écriture. Le reste, je le fait ou le reporte, peu importe. Le sable a disparu de ma vie… Tant de place pour les moments de bonheur avec ce petit bout. Un enfant, ça rend intelligent, car on se concentre sur le sel de la vie… L’existence se remplit de Vie véritable…