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Extraits Loïs

Extrait 1 : Présentation de Loïs

«Juin 1998. Loïs était le sosie de Latika. Rien d’étonnant pour qui savait que c’était son clone… Mais seule leur apparence physique était identique. (…) Si leurs traits étaient semblables en tous points, on ne pouvait pas en dire autant de leurs caractères. Valente, le généticien de génie et compagnon de Latika, avait créé Loïs pour une raison très précise. Le clone avait subi une réinitialisation et une différenciation psychiques. Contrairement à Latika, Loïs avait une grande confiance en elle – pour ne pas dire un ego démesuré -, l’esprit de compétition, une capacité de travail et de gestion du stress supérieure à la moyenne. Bref, elle avait un mental de guerrière. Ce n’était pas la seule force que son «géniteur», Valente, lui avait insufflée pour réussir dans la société de requins qui l’attendait. Le généticien avait également fait d’elle une vraie diplomate et opportuniste, capable d’user d’hypocrisie et de bien d’autres ruses du même acabit, sans aucune mauvaise conscience. Elle était ainsi à armes égales avec les rivaux qu’elle aurait à affronter dans le monde auquel elle était destinée. L’intelligence et les capacités intellectuelles de sa «génitrice», Latika, heureusement suffisantes, avaient été conservées à
l’identique chez le clone.

Extrait 2 : Naissance de Lois

«Jeudi 30, en début d’après-midi, Valente demanda à Latika de venir. Le grand moment était arrivé : Latika allait se retrouver face à son double. Loïs était « prête » : séchée, habillée, coiffée et allongée, par les bons soins de Valente, sur le canapé du «labo ». Il n’y avait plus qu’à attendre son réveil, comme pour un malade en salle de réanimation. Latika était à la fois impatiente et morte de peur. Lorsqu’elle franchit le seuil de la porte, elle tremblait de tout son être, ses jambes étant prêtes à se dérober sous elle… Et soudain, Latika « la » vit, ou plutot « se » vit ! Ce fut un instant extraordinaire. Latika se souvint des personnes ayant frolé la mort et s’étant vues quelques instants de l’exté-
rieur. Elle eut l’impression d’être l’une d’entre elles. Seuls les vrais jumeaux pouvaient comprendre ce qu’elle ressentit à ce moment-là.»

Extrait 3 : Relation avec Malone

«La relation simple des amants correspondait parfaitement au caractère de Malone. Il vivait et pensait de façon brute et pragmatique, avec comme priorités absolues son sport et son corps. La pratique du ski, parfois extrême, l’ayant habitué à garder un sang froid à toute épreuve, il ne se faisait jamais une montagne des petits tracas du quotidien. Il menait une existence tranquille, sans stress. Loïs le prenait comme il était, de toute façon c’était un homme indépendant et indomptable. Malone était heureux quand on le laissait libre de faire ce qui lui plaisait. Et Loïs se réjouissait de lui donner cet espace de liberté et de conserver également le sien. Ils cohabitèrent pendant ces quelques jours, chacun un peu dans sa bulle, malgré des moments très fusionnels. Tous deux savaient que leurs activités professionnelles ne leur permettaient pas, dans l’immédiat, de se poser et de fonder un foyer. C’est la raison pour laquelle ils ne se projetaient pas dans l’avenir et profitaient à fond du présent. N’était-ce pas le plus important dans la vie, finalement ?»

Extrait 4 : Relation avec Manolete

«Au troisième tercio, la tension monta d’un cran, dans l’arène, comme dans la
salle. Bien que Loïs ne fut pas très sensible à la douleur et à la mort chez les animaux, elle sentit son cœur s’emballer lorsque l’épée transperça la bête, comme un fil à couper le beurre, et que la masse sombre et sanguinolente s’écroula au pied du matador, sous les cris perçants et les applaudissements endiablés du public. Son deuxième cerveau, logé au fond de ses entrailles, lui lançait des signaux intenses, mettant tout son corps dans un état de stress et de panique incontrôlables. Elle se tenait le ventre, appuyant de plus en plus fort, pour faire cesser cette douleur et cette tension insupportables.
« Que vous arrive-t-il, Loïs ? lui demanda gentiment Manolete, touché par l’émotion que dégageait la jeune femme.
– Je ne sais pas, j’ai toujours mal au ventre…
– Cela arrive souvent la première fois, tenta-t-il de la rassurer. C’est la mort du toro bravo qui vous fait cet effet ? »
Loïs le regarda avec des grands yeux d’animal effrayé. Elle hésita à répondre.
«Non, je crois que c’est à cause de vous… »

Extrait 5 : Débat des jumelles sur «neurologie vs psychologie»

«Latika poursuivit, tenant à tout prix à convaincre sa jumelle.
«A l’heure actuelle, une véritable fusion est nécessaire entre nos deux disciplines. Pourquoi ne parviendrait-on pas à intégrer la dimension neurobiologique à l’élaboration psychique ? (…) Vous n’appelez plus cela des symptômes, mais des syndromes, c’est-à-dire de véritables entités pathologiques à elles toutes seules, sans dimension psychique ! Pour vous, tout s’explique dans le cerveau, sans prise en compte des difficultés existentielles du sujet. Vous ne ressentez aucunement le besoin de vous questionner sur l’origine des maux car elle n’est que biologique !»
Latika bouillonnait.
«Vous remplacez le psychisme par le cerveau ! L’instance qui traite de la subjectivité et de la responsabilité est supplantée par l’organe, merveille issue de l’évolution biologique, qui rend compte davantage de complexes mécanismes d’où le sujet est finalement exclu. Vous faites comme si le patient était totalement incapable d’inventer une solution originale et efficace contre l’adversité. Vous effacez entièrement sa notion de responsabilité : c’est le cerveau qui pense, aime, désire, etc. Le sujet ne raisonne plus, ne choisit plus. La question du sujet reste une béance pour les psychiatres et tous les autres neuroscientifiques !
– Calme toi, Latika ! voulut la tempérer sa jumelle. Je t’écoute et entends tout ce que tu me dis. Je pense que tu as raison, les deux visions devraient se compléter au lieu de s’opposer stérilement.
– Excuse-moi de m’emporter, mais je parle par expérience, répondit Latika en reprenant son souffle.. De nombreux patients qui frappent à ma porte ne sont pas satisfaits du diagnostic qu’on leur a fait. (..) Ils atterrissent finalement dans mon cabinet, parce que la réponse neurologique n’a rien à voir avec les problèmes dont ils veulent parler ! Il s’agit en général de l’angoisse que génère chez eux les questions sur le sexe, la mort… Cette angoisse existentielle, qui déborde le sujet et se condense dans les symptômes, est totalement niée par la neurobiologie.
– Tu as raison. Même si on s’en défend, on est tous amené un jour à s’interroger sur le sens de la vie…, dut admettre le clone, en connaissance de cause.
– C’est ce qui nous rend humains…, la rassura sa jumelle.»

Extrait 6 : Conversation entre Loïs et Latika sur les capacités cérébrales

« Les deux filles éclatèrent de rire. Toute adversité les avait quittées. Elles avaient retrouvé leur si belle complicité.
« Pour revenir au point de départ de notre conversation, reprit Latika, moi, je crois que nous avons été dotés de nos capacités de réflexion pour nous en servir et percevoir les vérités de la vie et du monde. C’est peut-être ça avoir la foi, une certaine forme de foi…
– Croire, sans voir et sans savoir…! poursuivit Loïs, perplexe.
– De toute façon, l’être humain n’a pas d’autre choix ! Il me semble totalement inconcevable que l’homme puisse un jour comprendre l’intégralité de ce qui se passe dans son cerveau. Tout simplement parce que l’outil et l’objet d’étude sont confondus. Comment pourrait-on imaginer un chirurgien opérer lui-même sa main droite s’il est droitier ?
– En supposant qu’il ait créé une machine l’assistant durant l’opération et lui évitant l’utilisation de ses mains… Sais-tu qu’un cerveau bionique, ainsi que la création d’un cerveau artificiel, dans lequel l’homme pourrait stocker sa mémoire et qui serait doté de capacités intellectuelles autonomes, sont en cours de réalisation…? »
– Non ! s’exclama Latika, sans cacher sa surprise.
– Imagine que, dans quelques années, les recherches en IA (Intelligence Artificielle) fassent un bon en avant ! L’intégralité des esprits humains seraient sauvegardés dans un immense cerveau artificiel ! Il serait alors envisageable de développer une intelligence supérieure à la somme des toutes les intelligences ayant existé depuis le début de l’humanité… Cela permettrait de trouver enfin des solutions aux problèmes de l’humanité !»